Entre ciel et terre, un corps d’homme se dresse, des mains au bout des bras prennent racine tandis que la tête s’élance vers le ciel. Empreinte de lumière, matrice photographique, l’autoportrait de Michel Gautier forme une colonne, pilier des temples antiques, tronc d’arbre archaïque. L’image du corps se fonde dans la nature, dans le fond indifférencié du cours des choses qui constitue la voie de la réalité. Mais d’où vient cette interrelation dans laquelle nous nous trouvons pris? De même que l’on ne peut diviser le corps, à l’inverse, on ne peut embrasser la terre et le ciel. Mystérieux et sublime, l’infini est insondable. En quête d’illumination et d’éveil, Il était une FOI…témoigne d’une conviction et d’un engagement qui nous dépassent, d’une adhésion ferme et fervente de l’esprit à quelque chose. Cela implique aussi un acte de foi tout comme cela procède d’un cheminement qui tend vers la Voie d’un Orient certain qui croît au cœur même de l’Occident. Dans l’esprit taoïste, l’énergie de l’univers circule dans le corps humain ; les puissances du ciel, de la terre et de l’homme se nouent les unes aux autres, le ciel contenant la terre où vit l’homme. Le livre premier du Tao te king s’ouvre ainsi : «l’être sans nom est l’origine du ciel et de la terre; […] c’est la porte de toutes les choses spirituelles».
Tout l’œuvre de Michel Gautier repose sur cette interdépendance fondamentale alors que sa démarche évolue sur le mode de l’inversion, du retournement des images. Le retour : voilà le mouvement du Tao, non pas la répétition stérile mais la transformation perpétuelle. Miroitements innombrables, reflets éphémères, lueurs passagères, ombres furtives incarnent ce monde en transition continuelle et peuplent la pratique de cet artiste multidisciplinaire. D’une série à l’autre, d’un medium à l’autre, quelque soit la matière – bois, pierre, papier, métal, lumière, verre la propension des choses se poursuit aussitôt qu’on tente de faire le tour de l’œuvre de Gautier. Trop vaste et prégnant pour être compris d’un simple regard, le parcours réflexif des formes fugitives prend du temps même si les multiples mises en perspectives reprennent et éclairent une réflexion commune.
Il y aurait encore longtemps à méditer sur le spectacle de la nature auquel nous convie il était une FOI…. D’abord, l’œil et l’esprit s’évertuent à saisir la profondeur de la nature ainsi projetée dans une mise en scène abyssale où se jouent la vie et la mort, le Vide et le Plein qui rythment l’univers. En effet, le théâtre de représentation de Gautier nous donne à voir,
à sentir la nature. Cependant, elle nous regarde à son tour. À l’heure de la 6e extinction des espèces, ces espaces miroitants propices à la réflexion nous questionnent sur notre propre rapport à l’univers. Dans ce perpétuel combat de l‘ombre avec soi-même, nous voici exposé non seulement à notre propre mouvance mais aussi à notre précarité absolue.
Manon Regimbald, commissaire